Appel à communications pour une journée d’études intitulée "Les études slaves en questions : Cartographier les espaces et les langues"
organisée par le Centre d’études slaves, Université Bordeaux-Montaigne.
La journée d’études est prévue le 24 octobre prochain (date à confirmer) à l’Université Bordeaux Montaigne.
C’est peu dire que l’agression de l’Ukraine par la Russie bouleverse les études slaves, en France comme ailleurs. La guerre creuse une béance, elle rompt le rapport au réel, fait éclater les représentations, dévaste les imaginaires, rend la parole muette. La guerre contamine la langue russe, devenue instrument de mort ; elle révèle la Russie dans une caricature d’elle-même, accélérant, sur le mode de la violence extrême, la déconstruction de la culture russe comme culture de la domination.
Si la guerre paralyse la parole et la pensée, de manière paradoxale elle confirme aussi l’urgence d’un fondement éthique à l’enseignement et la recherche. Ainsi la recherche en études slaves, menacée par les champs de ruines, est-elle impérieusement contrainte à l’auto-réflexivité et à la remise en question d’elle-même.
La journée d’études envisagée à l’automne 2023 se propose ainsi de mettre en questions les études slaves en interrogeant la cartographie des territoires de l’Europe médiane et orientale, territoires plurilingues, et notamment slavophones, dans une dimension transdisciplinaire.
Il s’agira de cartographier les différents espaces en jeu, à diverses échelles : espaces géographiques, politiques, culturels, espaces « exterritorialisés » de l’exil, espaces imaginaires, espaces de la mémoire, espaces intimes du sujet...
Faisant suite à l’atelier-recherche du 27 octobre 2022, dans le cadre du GDRus (Groupement de Recherche Empire russe, URSS, monde post-soviétique), qui s’intitulait « Faire face à la guerre dans la littérature et les arts : nommer, écrire, représenter », cette journée d’études a notamment pour ambition de continuer à rendre visibles et déconstruire les dominations qui ont institué la culture russe, et donc de poursuivre le nécessaire décentrement de la culture russe au sein des études slaves, au profit d’une pensée du décalage (le sdvig des formalistes), voire du détour.
Dans cette cartographie variable, plus géo-critique [Bertrand Westphal, La Géocritique. Réel, fiction, espace, Paris, éditions de Minuit, 2007, 278 p.] que géopolitique, des espaces de l’Europe médiane et orientale, la question du rapport à la langue est d’autant plus cruciale que d’une part, faut-il le rappeler, c’est sur une base philologique que les études slaves se sont constituées, et que d’autre part, sur le plan des répercussions intimes de la guerre, c’est précisément le rapport à la langue qui est miné : les traumas touchent à l’arrimage du corps à la parole, laissent le sujet désarticulé, dans un chaos dont rend compte par exemple le poème de Maria Stepanova « La Guerre des bêtes et des animaux » [Marija Stepanova, « Vojna zverej i životnyx », Zerkalo, 45, 2015, https://magazines.gorky.media/.../vojna-zverej-i...]. La possibilité même de la représentation ne peut alors être retrouvée qu’au moyen de détours – détour temporel, détour par une autre langue, détour par la fictionnalisation.
Mettre en questions les études slaves à partir du geste cartographique, ce serait donc (de manière non exhaustive) envisager des représentations décalées, poly-centrées des espaces [B. WESTPHAL] slavophones réels et fictifs, mais aussi interroger l’exil territorial et l’exil linguistique, ou encore suggérer une cartographie intime du sujet dans son rapport aux langues (maternelles, imposées, choisies) et à la création…
Une telle cartographie des études slaves aurait finalement pour horizon l’exploration des possibilités du transculturel, ferment de paix, et l’esquisse d’un espace « en-commun ».
Les propositions de communication, attendues au plus tard le 30 juin 2023, sont à envoyer à <Florence.Corrado@u-bordeaux-montaigne>
, accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique.
Les langues de communication seront le français et l’anglais, la durée des interventions sera de 20 minutes. Les réponses seront données début juillet.
Comité scientifique :
Florence Corrado
Pascale Melani
Centre d’études slaves UR Plurielles 24142 Université Bordeaux-Montaigne.