Isba - Irkoutsk - Photo : Elena Jourdan Lac Baïkal - île d'Olkhon - Photo : Elena Jourdan Lac Baïkal : lieu chamanique sur l'île d'Olkhon - Photo : Elena Jourdan Paysage de Khakassie - Photo : Elena Jourdan Un lac dans les Sayans - Photo : Elena Jourdan Un village dans la région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. "Na prestole" (fresque) - Exposition au monastère Novodevitchi, Moscou - Photo : Elena Jourdan Isba - village de Koultouk - lac Baïkal - Photo : Elena Jourdan La source de la Volga, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. Le lac Seliguer, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. Le cours du Ienissï, dans les monts Sayans - Photo : Elena Jourdan
La place centrale de Torjok, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. La Moscova à Moscou, monument à Pierre le Grand de Tsérétéli. Photo Philippe Comte, été 2004. La Moscova et la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou, depuis le parc Gorki. Photo Philippe Comte, été 2004. Lors du concours de lutte traditionnelle "hourej", dans la République de Touva - Photo : Elena Jourdan "Entrée dans Jérusalem" (fresque) - Exposition au monastère Novodevitchi, Moscou - Photo : Elena Jourdan Isba - Krasnoïarsk - Photo : Elena Jourdan Irkoutsk - Photo : Elena Jourdan Le monastère de Torjok, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. Krasnoïarsk - Parc naturel "Stolby" - Photo : Elena Jourdan Près d'Ekatérinbourg, le mémorial à la famille impériale. Photo Elena Jourdan Isba restaurée - Irkoutsk - Photo : Elena Jourdan

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Lettre adressée par la Présidente de l’AFR au Président de la République française

lundi 25 février 2019, par Sylvette Soulié


En raison des menaces qui pèsent sur l’enseignement du russe suite à la mise en place de la réforme des lycées à la rentrée prochaine, Armelle Groppo, présidente de l’AFR a adressé une lettre au Président de la République française.


Madame Armelle Jeannier-Groppo
Présidente de l’Association Française des Russisants (AFR)

Monsieur le Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Paris, lundi 11 février 2019

Monsieur le Président de la République,

L’Association Française des Russisants, à l’instar des sociétés savantes d’autres langues, tient à attirer votre attention sur les répercussions négatives de la réforme du lycée qui entrera en vigueur à la rentrée prochaine, sur l’enseignement de la langue russe.
Appliquée en l’état, la réforme risque d’entraîner la disparition du russe comme 3ème langue (LVC) et assèchera le vivier déjà réduit des futurs connaisseurs de la langue et de la culture de la Russie. En effet, la limitation du nombre d’options d’enseignement général à une seule porte atteinte à l’ensemble des LVC ; or plus de la moitié des effectifs actuels des élèves étudiant le russe le choisissent justement en tant que 3ème langue étrangère. Son apport de moins de 1% de la note finale du baccalauréat, comme de tous les enseignements optionnels, récompensera bien peu les efforts qu’exige son étude. Par ailleurs, le russe ne bénéficie pas de la valorisation accordée aux langues anciennes (possibilité d’étudier le grec ou le latin en plus de l’option déjà choisie) ou régionales.
La disparition du russe LVC risque de fragiliser encore davantage le russe LVA et LVB dans les établissements où il subsiste encore. Il ne bénéficie généralement plus que de deux heures d’enseignement hebdomadaire dans le cadre de l’enveloppe horaire globalisée des langues vivantes du tronc commun. Par ailleurs, le russe ne figure pas parmi les spécialités proposées aux élèves du cycle terminal, alors qu’il nécessiterait, bien au contraire, un volume horaire ambitieux.
Depuis des années déjà, le russe est en voie de raréfaction dans l’enseignement secondaire et, de ce fait, dans le Supérieur ; les chiffres du ministère de l’Éducation en témoignent. Contrairement aux déclarations convenues lors des rencontres diplomatiques au plus haut niveau, peu de mesures concrètes viennent soutenir l’enseignement du russe à l’échelle nationale. Maintenir ou, le plus souvent, supprimer le russe, relève d’une décision locale, sans qu’une vue d’ensemble au niveau national permette de veiller à une répartition équilibrée des enseignements aujourd’hui dits « rares » ainsi qu’à leur pérennité. Dans ce contexte déjà très dégradé, la réforme laisse présager la quasi-disparition de l’enseignement du russe dans les lycées français ; elle fragilisera le système de l’enseignement des langues vivantes en LVC, système presque unique en Europe, qui permet à nos adolescents d’être initiés à trois aires culturelles.
Cette évolution ne correspond pas au vœu exprimé par le ministère de l’Éducation nationale en matière de diversification des langues ; elle va à l’encontre des derniers accords de coopération entre la France et la Russie confirmés récemment par la création du Dialogue du Trianon ; et surtout, elle ne permettra bientôt plus à la France de disposer des russisants dont elle a besoin pour soutenir le développement des relations économiques, commerciales, culturelles et scientifiques bilatérales, et pour assurer son propre rayonnement en Russie même, quelles que soient les variations du climat politique.
En effet, les chercheurs qui travaillent actuellement sur la Russie s’accordent pour dénoncer le manque criant de spécialistes français de ce pays. Les ambassadeurs de France qui se succèdent à Moscou en savent quelque chose. Très bientôt, la France sera obligée de s’en remettre à des analystes et spécialistes d’autres pays. Il nous paraît pourtant conforme à l’intérêt national de préserver une capacité autonome d’observer la Russie et de lui parler.
Maîtriser la langue russe, connaître la civilisation de ce pays et être capable de l’analyser exige un temps incompressible qui commence au collège et au lycée. La sauvegarde de ce vivier ne peut être que le fruit d’une démarche volontariste des pouvoirs publics. Sans soutien institutionnel, pas de diversification des langues.
L’Association Française des Russisants vous demande donc, Monsieur le Président de la République, d’introduire dans le projet de réforme une série d’aménagements afin que la France puisse conserver la possibilité de former ses propres spécialistes à une connaissance fine, approfondie de la Russie et de la langue russe. A savoir :

  • s’engager à ce que l’enseignement du russe soit présent dans toutes les académies comme LVA, LVB et LVC, et réintroduire cet enseignement dans les académies où il a disparu ;
  • assouplir la carte scolaire en généralisant des dérogations pour les langues dites rares afin de donner à tous la même chance d’étudier le russe, avec obligation de poursuivre cette langue après admission dans le lycée choisi et, en cas d’abandon, de revenir dans l’établissement de secteur ;
  • renforcer le statut des enseignements optionnels (LVC) en permettant d’en choisir plusieurs et en augmentant leur apport à la note finale du baccalauréat ; veiller à ce que localement, l’étude d’une LVC reste possible pour les élèves ayant choisi les spécialités scientifiques, pour permettre le décloisonnement voulue par la réforme ;
  • ouvrir ou maintenir le russe LVA et LVB dans les établissements qui regroupent collège et lycée dans un même lieu ou du moins à proximité immédiate, afin que les élèves puissent poursuivre l’étude de cette langue jusqu’en Terminale, et les professeurs assurer les cours, dans de bonnes conditions ;
  • offrir aux élèves ayant commencé le russe au collège la possibilité d’étudier le russe comme langue de spécialité au même titre que l’anglais, l’espagnol, l’allemand et l’italien, seules langues proposées à ce jour.

Nous connaissons, Monsieur le Président de la République, votre intérêt pour le monde russe. Nous vous remercions par avance du soutien que vous pourrez apporter à l’enseignement de sa langue et de sa civilisation, à tous les niveaux du Secondaire comme du Supérieur. Il en va de l’intérêt de notre pays.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma respectueuse et haute considération.



Isba - village de Koultouk - lac Baïkal - Photo : Elena Jourdan


Éditeur du site : Association Française des Russisants
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Webmestre : Sylvette Soulié