Bulletin de Association Française des Russisants n°48 (décembre 2009)
La mastérisation des concours de recrutement
Intervention d’Armelle Jeannier-Groppo, vice-présidente de l’AFR
à l’Assemblée Générale du 21 novembre 2009
L’AFR a participé cette année à différentes réunions des Sociétés savantes de langues, la dernière élargie à d’autres disciplines, et à différentes rencontres avec les Ministères en charge de la réforme de la formation des enseignants.
La situation actuelle continue de se caractériser par de fortes tensions entre les Ministères de tutelle (Ministère de l’éducation nationale et Ministère de l’enseignement supérieur, très en retrait d’ailleurs) et les universités chargées d’assurer la préparation des candidats aux concours de recrutement de l’enseignement secondaire. Il convient ici de noter que seul demeure considéré comme tel le CAPES, l’agrégation étant systématiquement présentée comme un concours de recrutement « post-lycée ».
Les tensions résultent d’un faisceau d’éléments divers qui grossit avec le temps.
A l’origine, les propositions du Ministère ont suscité une inquiétude générale sur deux points principaux : le niveau des concours (master 2e année) et le déroulement des stages. L’ensemble des Sociétés soulignent l’incompatibilité entre la préparation d’un concours et une formation à la recherche, qui relèvent méthodologiquement et épistémologiquement d’approches tout à fait différentes. Elles notent toutes, de même, le flou absolu qui entoure jusqu’à présent les conditions de déroulement du stage pratique, aucune décision n’étant encore arrêtée sur sa durée, l’encadrement pédagogique qui l’accompagnera ni sa rémunération.
Il n’est pas à exclure, à leur avis, que, comme déjà dans nombre d’Etats de l’Union européenne, la réussite au concours du CAPES débouche dans l’avenir sur une inscription sur une liste d’aptitude aux fonctions d’enseignant du secondaire et non plus sur l’attribution d’un poste. Quant à l’agrégation, il semble peu probable que le coût et la charge administrative de son organisation soient justifiés exclusivement par le débouché, nécessairement limité, des classes préparatoires. Les Sociétés n’excluent donc pas qu’elle devienne le mode de recrutement des enseignants du 1er cycle des universités, par une généralisation de l’actuel statut de PRAG.
La méthode appliquée par nos tutelles, qui consiste à publier des textes réglementaires puis, au vu des réactions, à les modifier par d’autres textes, ainsi qu’à consulter, séparément, diverses représentations, dont les Sociétés savantes, et à leur donner des bribes d’information, engendre une très grande confusion.
Cette dernière est augmentée par la crainte de certaines disciplines de voir les concours qui les concernent disparaître. Or, la raison d’être administrative de bien des départements d’université est justement la préparation aux concours. La question est particulièrement pertinente en lettres et sciences humaines, l’expérience de nos départements de russe le démontre.
Enfin, l’intégration des IUFM dans les universités soulève à son tour la question de la pérennité des ces Instituts quand c’est aux universités qu’il est demandé d’assurer la préparation aux concours.
Face à ces menaces, réelles ou supposées, les anciennes dissensions entre disciplines et entre institutions que le temps avait calmées refont surface, chacun défend son pré carré et l’on voit s’affirmer une forme de conservatisme étonnant puisque, dans leur grande majorité, les Sociétés savantes sont favorables à un aggiornamento des concours.
Dans ce contexte délicat, l’AFR a fait part de son expérience ; elle a systématiquement rappelé et pleinement assumé son rôle d’association, différent de celui d’un syndicat.