Monsieur le Président de la République, Madame la Ministre de l’Education Nationale, Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères,
L’Association Française des Russisants, à l’instar des sociétés savantes d’autres langues, tient à attirer votre attention sur les conséquences désastreuses qu’aurait indubitablement le projet de réforme du collège actuellement prévu. Il entraînera à coup sûr une diminution du niveau de maîtrise du russe par les élèves et plus que vraisemblablement sa disparition comme 1ère et 2ème langue, autrement dit il assèchera le vivier déjà si réduit des futurs connaisseurs de la Russie.
Or, les chercheurs qui travaillent actuellement sur la Russie s’accordent à dénoncer le manque criant de spécialistes de ce pays en France et en Europe. Les ambassadeurs de France qui se succèdent à Moscou sont confrontés à cette même difficulté. Ceci constitue un obstacle majeur à la compréhension de ce pays par la France et aux relations de tous ordres qu’elle doit entretenir avec lui, quelles que soient les variations du climat politique. La presse même s’en fait l’écho (Le Monde, 23 février 2015).
L’importante communauté russophone en France, très majoritairement formée en Russie, bien formée d’ailleurs, ne peut remplacer les analystes issus du parcours français : elle pose nécessairement sur son pays un autre regard. Or, la France a besoin d’une expertise spécifiquement française. C’est l’ensemble de la filière des études de russe et sur la Russie, du collège à l’université, qui en assurait l’existence depuis l’après deuxième guerre mondiale et garantissait la relation particulière entre la France et l’URSS puis la Russie.
Depuis des années déjà ces études sont en voie de disparition dans l’enseignement secondaire comme dans le supérieur, les chiffres du Ministère de l’Education en témoignent. Contrairement aux déclarations devenues rituelles lors des rencontres diplomatiques au plus haut niveau, aucune mesure concrète ne vient soutenir l’enseignement du russe à l’échelle nationale. Le maintenir ou le fermer (le plus souvent ces dernières années) relève de la décision du principal d’un collège ou du proviseur d’un lycée.
Dans ce contexte déjà très dégradé la réforme prévue pour les collèges conduira à sa disparition. 2 heures de cours par semaine pendant trois ans ne sont pédagogiquement parlant pas équivalentes à 3 heures pendant deux ans. Elles constituent un horaire absolument insuffisant pour apprendre cette langue difficile. Mettre trop de temps à surmonter les premiers obstacles est décourageant. Pour assurer 3 heures hebdomadaires à moyens constants, il faudra fermer les quelques classes bi-langues qui forment en autre les futurs élèves des sections internationales récemment ouvertes dans quatre lycées : à quelle logique cela répond-il ? Le russe langue vivante 1 et 2 disparaîtra, privant l’enseignement supérieur de cohortes d’étudiants déjà préparés aux études sur ce pays, et la France des spécialistes dont elle a besoin.
Maîtriser la langue russe, connaître la civilisation de ce pays et savoir le comprendre exige un temps incompressible qui commence au collège. L’Association Française des Russisants vous demande donc M. le Président de la République, Mme et MM. les Ministres, non seulement que soit maintenu le nombre d’heures de cours actuel au collège, mais également que des mesures spécifiques soient prises au plus vite pour soutenir l’enseignement de la langue d’un pays avec lequel volens nolens la France et l’Union Européenne devront toujours entretenir une relation privilégiée.
Armelle Jeannier-Groppo, Présidente de l’Association Française des Russisants.
8 avril 2015
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