« Sauvons les concours de recrutement des enseignants ! »
Nous, membres de différents jurys de CAPES et d’Agrégation de la session 2009, tenons à exprimer solennellement notre consternation devant la façon dont est géré le dossier de la réforme du CAPES et notre opposition aux mesures préconisées pour les « nouveaux » CAPES. C’est à partir de notre expérience de membres de ces jurys, constitués d’enseignants du secondaire, des classes préparatoires, des universités, des IUFM et de membres des corps d’inspection que nous considérons que ces mesures, si elles étaient appliquées, entraîneraient une très grave dégradation de la formation et du recrutement des enseignants et, à terme, une remise en cause des concours nationaux et une précarisation des personnels enseignants.
Ces mesures conduisent en effet à un affaiblissement inacceptable des contenus disciplinaires des concours sous couvert de « professionnalisation », alors même que l’année de stage de formation en alternance rémunérée existant actuellement est supprimée dans le projet ministériel. Et les « stages » prévus pendant les deux années des « masters enseignement » ne sont nullement à même de compenser les effets néfastes de cette suppression – ou de sa réduction à une décharge symbolique lors de la première année d’exercice.
La précipitation qui a caractérisé la gestion de ce dossier, les incessants bricolages qui se succèdent depuis l’annonce de la réforme, les tergiversations, les annonces sans suite, les « mesures transitoires », les incertitudes maintenues sur les modalités des épreuves et les programmes du concours, ont créé un tel climat de confusion et de chaos qu’il est urgent et impérieux de reprendre totalement le dossier pour qu’émerge un projet intellectuellement et professionnellement cohérent.
Dans cette perspective, nous prenons acte de l’annonce du ministre concernant le maintien en l’état pour 2010 du CAPES actuel que nous entendons comme le maintien de l’intégralité de ses modalités actuelles, y compris pour les dates du concours et les conditions d’inscription. Cependant, comme l’ensemble des collègues engagés dans la mobilisation contre les réformes actuelles, nous pensons que toute refonte des concours doit être arrêtée à l’issue d’une large concertation et de véritables négociations avec tous les acteurs de la formation des enseignants. Celles-ci supposent un retrait des projets actuels, un réexamen complet du dossier de la formation et du recrutement des enseignants et l’abandon de toute « mesure transitoire » et de toute mise en place progressive de la « mastérisation ».
Nous ne sommes évidemment pas hostiles par principe à toute refonte des concours ni à l’ambition affichée d’élévation du niveau de recrutement des enseignants. C’est dans cette optique que nous tenons à rappeler quelques principes qui sont, selon nous, essentiels pour toute réforme à venir des CAPES :
- le recrutement de tous les enseignants doit se faire par concours nationaux avec un programme national, des épreuves nationales et un jury national unique pour l’admissibilité et l’admission pour toutes les épreuves, associant, comme c’est le cas actuellement, des enseignants des universités, du second degré, des classes préparatoires et des membres des corps d’inspection ;
- les lauréats doivent avoir le statut de fonctionnaires stagiaires (de la fonction publique d’État) et pour assurer une véritable formation pédagogique et professionnelle l’année de stage rémunérée de formation en alternance avec un service significativement réduit doit être maintenue ;
- l’évaluation du niveau de maîtrise des disciplines doit rester le fondement du recrutement. En conséquence les épreuves, écrites et orales, doivent être disciplinaires et les jurys doivent être composés de spécialistes de la discipline ;
- un lien thématique, quand il existe, doit être maintenu entre les programmes du CAPES et ceux des agrégations afin d’éviter notamment que la préparation à l’agrégation ne soit réservée qu’à un petit nombre « d’établissements d’élite ».
En tant que membres de jurys de CAPES et d’Agrégation, soucieux de l’intérêt des candidats, des futurs enseignants et des élèves, notre responsabilité est en tout premier lieu d’assurer, dans les meilleures conditions d’équité possibles, un concours d’un niveau scientifique élevé, fondement de la légitimité scientifique et professionnelle des lauréats et de la qualité du service public d’enseignement. Mais il est également de notre responsabilité de ne pas nous taire devant ce que nous considérons comme un gâchis et un désordre qui ne peuvent à terme qu’entraîner une dégradation du niveau de recrutement des enseignants et donc de l’enseignement de nos disciplines.
Motion votée par :
- la majorité des membres du jury du CAPES externe d’allemand,
- soixante-cinq membres du jury du CAPES externe d’anglais,
- la majorité du jury de l’agrégation externe d’anglais,
- l’unanimité, moins une abstention, du jury du CAPES externe d’arabe,
- la majorité du jury de l’agrégation externe d’arabe,
- l’unanimité, moins deux abstentions, des membres du jury du CAPES externe de breton,
- l’unanimité, moins deux abstentions, du jury du CAPES externe d’espagnol,
- la majorité des membres du jury du CAPES externe d’Histoire et de Géographie,
- la majorité des membres du jury de l’agrégation externe d’Histoire,
- l’unanimité, moins deux abstentions, des membres du jury du CAPES externe d’italien,
- la majorité du jury du CAPES interne d’italien,
- la majorité du jury du CAPES externe de Lettres Classiques,
- la majorité du jury de l’agrégation externe de Lettres Classiques,
- la majorité des membres du jury du CAPES externe de Lettres Modernes,
- vingt-neuf membres du jury de l’agrégation externe de Lettres Modernes (dont la commission de littérature comparée, à l’unanimité)
- la majorité de la commission d’ancien français du jury d’agrégation externe de Lettres Modernes,
- la majorité du jury de l’agrégation interne de Mathématiques ;
avec le soutien de :
- l’Association des Études Grecques (AEG),
- la Société des Professeurs d’Histoire Ancienne des Universités (SOPHAU),
- la Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public (SHMESP),
- l’Association des Historiens contemporanéistes de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (AHCESR),
- l’Association des Professeurs d’Histoire-Géographie (APHG),
- l’Association Française des Études Américaines (AFEA),
- l’Association Française des Russisants (AFR),
- l’Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur (AGES),
- l’Association des Professeurs de Langues en IUT (APLIUT),
- l’Association des Professeurs de Langues Anciennes de l’Enseignement Supérieur (APLAES),
- la Coordination Nationale des Associations Régionales d’Enseignants de Langues Anciennes (CNARELA),
- Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur (SAES),
- la Société Française d’Études Japonaises (SFEJ),
- la Société des Hispanistes Français (SHF),
- la Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur (SIES),
- la Société des Langues Néo-Latines,
- du vice-président du CAPES externe de chinois,
- du président du jury de l’agrégation externe de japonais.